Cette année encore, la formation professionnelle connait une réforme de ses modalités de financement. En réduisant le plan de formation à sa plus simple expression (*), les réformes successives adressent indirectement une question majeure : quel est l’impact de la formation ou, en d’autres termes, quelle est l’utilité réelle de la formation en entreprise ? Or du flou entretenu dans ce domaine, découle un doute général sur la valeur ajoutée des équipes formation et de toute la fonction RH. Voyons comment transformer cette perception, pas à pas.

Le modèle de Donald Kirkpatrick développé dans la fin des années 50 mais qui a encore largement cours, vise à évaluer 4 niveaux de performance des formations : 1) les réactions à chaud des participants, 2) les apprentissages (et en particulier le gap avant – après), 3) les comportements ou transferts sur le poste de travail, et en dernier lieu 4) les résultats opérationnels ou sur le business. Or seules les deux premières mesures sont couramment appliquées ; de plus il manque la notion de contribution aux objectifs financiers de l’entreprise, par un calcul de ROI ou retour sur investissement. Le ROI est évidemment le Saint Graal pour un gestionnaire d’entreprise ; mais a-t-il du sens pour les objectifs que l’entreprise poursuit en développant ses compétences, la question se pose.

En effet, le ROI financier peut paraître… trop financier justement, pour une culture avant tout centrée sur l’humain. Les héritiers de Kirkpatrick ont ainsi défini le ROE : Return On Expectations ou Retour sur Attentes. Personnellement, je partirai pour un ROP, Return on Performance ou Retour sur la Performance. Mais que l’on soit sur une mesure d’attentes, de performance, d’impact ou d’investissement, il est absolument vital que cette démarche d’évaluation et de mesure commence à se mettre en place. Parce qu’aujourd’hui une fonction de support comme les RH mais aussi le marketing ou la finance, si elle ne mesure pas son impact, finit par disparaître des radars des décisionnaires et par perdre l’impact que ces fonctions pourraient/devraient avoir sur le business. Et aujourd’hui, la réalité est que les équipes formation/RH sont généralement sollicitées en mode rush (parce que bien souvent oubliées dans les phases amont du projet). Elles se trouvent dans l’urgence pour produire, en mode « pair of hands », sans la mise en perspective nécessaire, là une posture « partenaire » et/ou « expert » s’imposerait. Par où commencer ? Voici des principes que j’ai eu l’occasion de pratiquer dans différents projets 

Le ROE commence par explorer le besoin, (ou si l’on est plutôt ROP, par identifier les causes de sousperformance) et ce, dès réception de la demande de formation. Est-ce que cette démarche peut aboutir à la conclusion que la formation n’est pas LA solution mais seulement une partie, voire pas du tout ? La réponse est OUI et il faut avoir le courage de le communiquer et l’illustrer à la lumière de son analyse. Il s’agit de se donner le temps d’investiguer si la formation envisagée est réellement la meilleure solution pour résoudre le problème initial 

Ensuite, se mettre en mode « test & learn », monter un projet à petite échelle, sur une demande peu ambitieuse et bien circonscrite, permettra de se familiariser avec une compréhension plus fine des attentes business portées sur une formation. Vous pourrez ainsi formaliser un Proof of Concept adapté à votre business, qu’il vous sera possible d’industrialiser à plus grande échelle sur de nouveaux projets.  

 Faire un benchmark des KPI pratiqués par d’autres fonctions telles que le marketing ou la communication, enfin, peut être très utile pour vous aider à définir les points de valeur déjà pratiqués dans l’entreprise. En effet, de par leur proximité avec les ventes, le marketing et la communication sont souvent déjà rompus au suivi d’indicateurs de performance. La mise en place d’un ROE adapté à la culture votre entreprise vous permettra de mieux communiquer en interne sur la valeur ajoutée des RH et de casser cette image des formations qui arrivent trop tard, avec des réponses inadaptées et qui manquent de pertinence pour le business. 

En démontrant sa place dans la chaîne de valeur de son entreprise et sa contribution à la performance de celle-ci, la fonction Formation peut donc espérer enfin jouer pleinement son rôle de partenaire dans les décisions clés et être présent en amont des projets et non plus seulement en bout de chaîne. La reconnaissance ultime serait bien sûr la participation effective au comité exécutif. Plus courante pour la fonction DRH, elle est plus rare au niveau de la formation, sauf lorsqu’une université interne fait partie de la stratégie d’entreprise et s’applique les règles de fonctionnement d’une Business Unit avec ses KPI propres, ROE et ROI. L’invitation au ComEx est aussi une affaire de leader du service formation : plus celui-ci/celle-ci aura eu une carrière dans des fonctions opérationnelles (direction commerciale, marketing, export, R&D…), plus le ComEx sera un terrain familier facile à conquérir. 

Est-ce que cette démarche est facile ? Non, et estce que le succès arrivera immédiatement, non plus : il se construira, étape par étape, projet après projet, itération après itération. Ce qui est certain, est que cette recherche de valeur et d’impact contribue fortement à la construction d’une nouvelle culture et gouvernance de la formation au sein des entreprises. 

 Et vous, où en êtes-vous de votre pratique d’évaluer votre ROE ? Avez-vous une réussite ou une problématique particulière que vous souhaiteriez partager ? 

 

 (*) pour les entreprises de +300 salariés 


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